La 10e Chambre correctionnelle du TGI de Paris

a condamné Jean-Baptiste Rivoire pour violences volontaires contre le grand reporter, Didier Contant.

Paris, le 26 novembre 2009
Voir le jugement
Revue de presse : Midi Libre, El Watan, Horizons, Soir d'Algérie, INFOS SANS FRONTIÈRES et Immédias, le blog de Renaud Revel sur L'Express.fr blog

Maître Gény-Santoni : “Le journaliste Didier Contant a été victime de calomnie, et il en est mort”

Ecouter Maître Gény-Santoni, l’avocat de Rina Sherman, ancienne compagne de Didier Contant et auteur du livre témoignage Le huitième mort de Tibhirine


Maître Gény-Santoni sur les Moines de Tibhirine

Le 27 septembre 2010, Audience d'appel à chambre 2-8 de la cour d’appel de Paris

Jean-Baptiste Rivoire, journaliste de Canal+, sera ré-entendu en appel dans le cadre du procès dans lequel il a été condamné pour violences volontaires contre la personne de Didier Contant, grand reporter qui a trouvé la mort lors de sa troisième enquête sur la mort des Moines de Tibhirine.



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:
Lazhari Labter Editions, Alger, 2007

ou Editions Tatamis, Paris, 2007

4e de couverture
ENGLISH VERSION
Victime d’une campagne calomnieuse sans précédent, en février 2004, le grand reporter Didier Contant fait une chute mortelle d’un immeuble parisien alors qu’il s’apprêtait à publier son enquête sur la mort des moines de Tibhirine en Algérie en 1996. Les résultats d’un long travail d’investigation sur le terrain à Blida par l’ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma confirment que les moines ont été enlevés et assassinés par le GIA (Groupe Islamiste Armé). Mais à Paris, des confrères affirment auprès des rédactions parisiennes que Didier Contant travaillait pour les services français et algériens dans le cadre de son enquête sur les moines, déconseillant toute publication de son investigation. Ces lobbies, composés de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations de droits de l’homme, brandissent le témoignage d’un sous-officier transfuge de l’armée algérienne, tendant à prouver l’implication de l’armée dans le rapt des moines. Didier Contant vivait cette campagne calomnieuse comme une catastrophe professionnelle ; dépossédé de son honneur, de sa dignité et de la capacité de gagner sa vie, il ne put l’accepter. Rina Sherman livre un témoignage saisissant sur la mort de son compagnon, Didier Contant. Pour rendre hommage à l’homme qu’elle a aimé, elle raconte avec brio leur grande histoire d’amour et la tragédie qu’ils ont vécues. Son récit se lit comme un roman, comme un thriller, dans lequel suspense, investigation et combat se confondent dans une réflexion essentielle : Il ne faut pas se taire afin que soit respecté l’un des droits fondamentaux de l’homme, celui de la liberté d’expression.
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Préface
Didier Contant est mort. On a dit que c’était un accident. On : pronom personnel indéfini, désigne ici d’une manière vague les autorités algériennes mais également françaises. Sa compagne, non convaincue, a voulu enquêter. Et elle l’a fait d’une manière farouche et déterminée. Je ne sais pas si Didier Contant a été tué, est mort accidentellement ou tout simplement été victime de circonstance non élucidée. En revanche, c’est que la mort d’un confrère quelle qu’elle soit mérite qu’on y porte un intérêt.
Cet intérêt n’a pas été porté sur le cas de Didier Contant, mais à la lecture de l’enquête de sa compagne, on ne peut avoir que des doutes sur cette mort fortuite qui arrangeait tout le monde en définitive. Devant ce travail colossal, minutieux, on ne peut que s’incliner. À la lecture des pages qui suivent, les autorités ne peuvent rester indifférentes et, pour avoir la conscience tranquille, devraient instruire cette mort.
Pour cela il est vrai que du courage politique est nécessaire, non seulement en France mais également en Algérie : or ce courage est bien ce qui manque hélas des deux côtés de la Méditerranée.
Le lecteur - lui comprendra que le mystère reste entier sur la mort de Didier Contant, le huitième mort de Tibhirine.
Antoine Sfeir

Rivoire, journaliste de Canal+, audience du 21 mars 2011 à 13h30

Procès Rivoire-Contant : conflit entre journalistes dans l’affaire des Moines de Tibhirine (Partie 1/3)

28 mars 2011, 20:10 Jean 0 commentaire
Partie 1 : Le début du procès en appel, et le rappel des faits par le juge


Après un renvoi d’octobre 2010 à mars 2011, le procès en appel de Jean-Baptiste Rivoire (photo) a pu enfin avoir lieu ce lundi 21 mars 2011, à la chambre 2-8 de la Cour d’appel de Paris.

Procès Rivoire – Contant : conflit entre journalistes dans l’affaire des Moines de Tibhirine (Partie 2/3)

29 mars 2011, 19:43 Jean 0 commentaire
Partie 2 : Jean-Baptiste Rivoire à la barre
Jean-Baptiste Rivoire est appelé à la barre, à laquelle il restera en tout plus d’une heure. Il parle très vite et doucement, ce qui rend son témoignage difficilement audible, en voici les éléments principaux.

Procès Rivoire-Contant : conflit entre journalistes dans l’affaire des Moines de Tibhirine (Partie 3/3)

30 mars 2011, 21:29 Jean 0 commentaire
Partie 3 : les plaidoiries
C’est Me Gérard, avocat des enfants de Didier Contant, qui commence ces plaidoiries qui dureront un peu plus d’1h30. Il est 20h au moment où elles commencent, une interruption de séance d’1/2h venait d’avoir lieu, permettant à chacun de reprendre un peu ses esprits avant le grand rush final.

Décision finale le 6 juin 2011

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L'audience de Jean-Baptiste Rivoire au TGI aujourd'hui a été reporté car M. Rivoire n'a pas pu être présent et a présenté un certificat médical (un cas) pour justifier son absence. Son conseil, Me Bourdon n'a pas pu être présent non plus et a envoyé un remplaçant. Le présidente de la cour a estimé que la prése...ncé de M. Rivoire était nécessaire et l'audience a été reporté au 21 mars 2011.

Jean-Baptiste Rivoire, journaliste de Canal+, sera par conséquent ré-entendu le 21 mars à 13h30 en appel dans le cadre du procès dans lequel il a été condamné pour violences volontaires contre la personne de Didier Contant, grand reporter qui a trouvé la mort en 2004 dans le cadre de sa troisième enquête sur la mort des Moines de Tibhirine.

Pèlerin Magazine No. 6499
2007.06.21
Témoignage : Le huitième mort de Tibhirine
Par Paula Boyer
C'est d'abord un cri d'amour. Celui d'une femme pour un homme. Cet homme s'est suicidé à Paris. Dans des conditions apparemment mystérieuses. Et sa compagne, cinéaste, anthropologue d'origine sud-africaine, a minutieusement enquêté sur ce qui l'a conduit à ce geste. Ancien rédacteur en chef de l'agence Gamma, devenu photographe et journaliste indépendant, collaborateur occasionnel de Pèlerin, Didier Contant enquêtait sur l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996, en Algérie.
Plusieurs séjours dans la région de Blida lui avaient donné la certitude que les moines ont bien été enlevés et assassinés par des groupes islamistes. Mais de retour à Paris, il ne réussit pas à faire publier son travail. Car, des confrères, des éditeurs, des avocats, des organisations de défense des droits de l'homme font courir le bruit qu'il travaille pour les services secrets français et algériens. Brandissant le témoignage d'un ancien sous-officier de l'armée algérienne, ces lobbies (groupes de pression) essaient de faire prévaloir une autre thèse : celle selon laquelle l'armée algérienne serait impliquée dans l'enlèvement des moines.
Dans son livre, Rina Sherman montre comment Didier Contant, catastrophé par les calomnies dont il est victime, finit par mettre fin à ces jours. Ce livre, fruit d'un travail minutieux, se lit d'une traite. Il est aussi un témoignage cru sur les mœurs parfois douteuses de la presse.

Le soir d'Algérie
Actualités 2007.03.18
Bonnes feuilles du livre "Le huitième mort de Tibhirine" de Rina Sherman

“Le maquis, c'est Paris, Madame.” C'est ainsi que j'ai fini par répondre un jour aux questions insistantes avec lesquelles on me lancine depuis longtemps. Qui a tué les sept dormants de Tibhirine ? Pourquoi Didier Contant est-il mort au retour de Blida et de sa troisième enquête sur l'assassinat des moines trappistes ? Pourquoi Didier Contant a-t-il cessé de jouir de son droit à la liberté d'expression ? Et finalement, pourquoi depuis sa mort, aucun journaliste n'a-t-il repris sa thèse ? Êtes-vous allée en Algérie, au maquis, pour élucider les circonstances de la mort de votre compagnon ? Dans les lignes qui suivent, j'offre le récit de ce que j'ai vu et vécu parmi les maquisards de Paris, après sept ans de vie commune avec la famille d'un roi éleveur de bœufs en Afrique, et apprenant au retour que Didier Contant, mon compagnon, est tombé du cinquième étage d'un immeuble parisien : parcours que je pourrais aussi dénommer, Anthropologue, le retour.

Le temps de la lecture, rangeons le pathos. Levons le rideau sur la vie de deux êtres humains ; ils s'aiment, ils ont décidé de vivre au grand air d'Afrique, ils ont pleins de projets ensemble. Brutalement, l'un meurt, il s'appelle Didier Contant. L'autre, l'auteur de ses lignes, essaye d'élucider la vérité de cette mort aussi subite que troublante. La recherche a lieu à Paris. Elle s'effectue sur un terrain qu’on pourrait qualifier d'affaire étouffée. Si apprendre à négocier avec l'omerta peut constituer un rite de passage, découvrir que Paris est un maquis en est une conclusion. (…)
Didier était quelqu'un de fort et de solide. Il était fier, et il attachait de l'importance à ce que les gens pensaient de lui. Sans famille pour l'épauler, à seize ans, il avait commencé sa vie d'adulte à partir de rien. Pourtant, après avoir été coursier pour des agences de photos à l'âge de trente-cinq ans, il était devenu rédacteur en chef de l'agence Gamma. Néanmoins, sa force masquait une certaine fragilité. Parfois, il me disait que faire des choses pour moi ou avec moi l'aidait à exister. Souvent, il se posait devant moi pour me demander si je le trouvais beau. Cette vulnérabilité rendait Didier attachant à mes yeux. Il possédait ce qui me manquait cruellement : la capacité de demander à être aimé pour ce qu'il était, avec grâce et sans fard. (…)
La mort n'est pas une fin en soi. Celle de Didier Contant est indissociable de l'enlèvement et de l'assassinat des sept moines trappistes. En ce sens, Didier est une victime – la huitième de Tibhirine – de la controverse sur la poussée de l'intégrisme musulman de par le monde, qui occupe une place importante dans l'opinion publique depuis bien des années. Face aux nombreuses disparitions, victimes du fanatisme religieux, nous pourrions nous complaire à dire : autrefois, j'aurais été résistant ou je le serai le moment venu. Ce serait oublier que l'éthique est une question d'ici et de maintenant. Ne pas s'en occuper, c'est la faire péricliter. L'exigence du respect de l'autre est l'affaire de tous et de tous les jours. (…)
A Mgr Teissier : “Je vous écris parce que je suis un peu triste de constater qu'il est impossible de remettre en cause, sans le vouloir mais sans hésitation, la version d'une armée algérienne responsable de l'enlèvement des moines, sans s'attirer les foudres de ceux qui, armés de certitudes, font leurs enquêtes de Paris. Après notre déjeuner, j'ai avancé dans mon travail et j'ai les preuves définitives et indiscutables que les moines ont été enlevés par un groupe du GIA : j'ai rencontré et interviewé un témoin enlevé la même nuit et racontant leur captivité en montagne dans une cache du GIA, et des agriculteurs qui ont vu les traces du groupe et retrouvé une soutane sur le chemin. Ceci s'ajoute au témoignage du gardien du monastère et de Sid Ali Benhadjar. Ce soir, je suis décontenancé par la violence de l'attaque contre moi, et ne sais que faire de ce travail. (…)
Je pense à Didier, dont les yeux s'éclaircissaient dès qu'il était question de l'Algérie, du Sahara, des gens de l'Église de là-bas, si loin. Il me vient à l'esprit les dernières volontés du père Christian de Chergé : “Je ne vois pas comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payé ce qu'on appellera, peut-être, la "grâce du martyre" que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'islam.”
Je pense encore et toujours, chaque jour, à Didier, ce bel homme, fier et sensuel, curieux de tout et plein d'humour, mort inutilement. Pourquoi ? Pour ce qui concerne sa mort physique, nous ne connaîtrons peut-être jamais exactement le déroulement des faits qui ont précédé sa chute du cinquième étage d'un immeuble parisien, mais au fil de mes interrogations, j'ai été dégoûtée par la manipulation de son action. Indépendamment de sa volonté, étant accusé par les séides des intégristes islamistes, d'être un “éradicateur”, il s'est retrouvé dans le collimateur du réseau “Qui tue qui ?”. A la suite de la mort de Didier Contant, aucun journaliste n'a osé reprendre son enquête sur l'enlèvement et l'assassinat des moines trappistes. Aucun journaliste n'a osé mener une investigation sur les circonstances de sa mort. Deux ans après sa mort, aucun journaliste sur la place de Paris n'ose citer son nom. (…)
Le carnet de bal est vide. L'esprit critique a perdu la partie. Hors de ce carcan imposé, pourrais-je obtenir une autre grâce qu'un retour sur soi ? Je lève les yeux au ciel pour y suivre l'envol des oiseaux, mais jamais la nuit, car la nuit est à nous. Aurai-je de nouveau un jour une autre envie que celle de vouloir te serrer la main, de sentir ton pied chaud contre le mien, pour nous envoler ensemble depuis la falaise de la Serra da Chela ? Une nuit de voyage en Angola, sur le col sinueux, flanqué de pentes étroites et côtoyant des précipices terrifiants, nous sommes descendus dans les plaines de Namibe pour nous arrêter à la croix de Magellan, fixée au cap d'un escarpement surplombant l'océan. Les projets d'amour n'ont pas de raison. Que le temps ne s'écoule plus, que l'espace devienne infini, que la brise me donne des ailes, tel un oiseau je planerai, rien que pour te retrouver.

CE QU'EN DIT LA PRESSE

- “Ce livre, écrit par la compagne de feu Didier Contant et préfacé par Antoine Sfeir, offre, enfin, le témoignage sur le harcèlement sans pareil dont a été victime son compagnon, dont les conclusions sur son enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine a osé être à contre-courant des discours du "qui-tue-qui ?"”. Khadidja Baba-Ahmed, Le Soir d’Algérie

- “C’est un livre qui accuse, une sorte de contre-enquête sur les causes du suicide le 15 février 2004 de Didier Contant, quarante-trois ans, provoqué par une campagne de dénigrement à l’endroit du journaliste.” Hassane Zerrouki, L’Humanité

- “Ce livre est à la fois bouleversant et terrifiant. Il pointe du doigt l'effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie. Quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander "qui tue qui ?"” Caroline Fourest, ProChoix

-“Le document que publie Rina Sherman, la compagne du journaliste disparu, nous entraîne dans un maquis parisien qui sème les fatwas et brouille les pistes. En remontant la filière des rendez-vous, des courriels et des derniers SOS lancés par Didier (dont l’ultime à Mgr Teissier, archevêque d’Alger), Rina découvre que les ennemis du journaliste, notamment un certain Jean-Baptiste Rivoire, avaient lançé contre lui un terrible processus de diffamation. En affirmant qu’il travaille avec les services secrets algériens, on attente à l’honneur de Didier Contant, on ruine ses relations avec les rédactions pour lesquelles il travaille. Bref, on brise un homme.” Martine Gozlan, Marianne

“Ce livre, bien écrit d'ailleurs, se lit comme un roman policier... Malheureusement, il ne s'agit pas de fiction mais de réalité. L'auteure va jusqu'au bout de sa quête de vérité. Elle est souvent seule devant des portes fermées qu'elle ouvre, ce qui lui permet de dévoiler certains oublis dans l'enquête menée par la police. Mais peu à peu, tout s'explique, notamment le silence de certains journalistes.
Jean-François Chalot, ResPUBLICA

Le huitième mort de Tibhirine de Rina Sherman
Éditions Lazhari Labter et Le Soir d’Algérie
200 pages Format15 X 22 avec jaquette
Prix : 600 DA
Publié aussi aux Éditions Tatamis en France

© Le Soir d'Algérie

En quête de vérité


Le huitième mort de Tibhirine
Tatamis, Paris, 2007. Lazhari Labter & Le Soir d’Algérie, Alger, 2007

Hymne en faveur de la liberté d’expression, le témoignage de Rina Sherman est nécessaire, indispensable, vital. D’abord forte puis en proie à des doutes, obstinée puis découragée - qui ne le serait pas -, rêveuse mais ancrée dans une réalité affreuse, Rina Sherman reste toujours malgré tout animée d’une même volonté de faire toute la lumière sur l’affaire « Didier Contant ».
Et là réside tout l’intérêt d’un tel récit : persévérer dans ce que l’on pense être juste, se battre pour une réalité que l’on pense possible. Démultipliée au sens d’une héroïne de fiction, Rina Sherman apparaît comme incomprise, maltraitée, invisible, dévoilant pourtant une réalité facilement observable, pour peu qu’on prenne le temps de s’y attarder et de la regarder en face. « Facilement observable » ne signifie pas ici qu’il faille légitimer cette réalité, ni même la comprendre, ou encore moins l’accepter. Mais il est tout autre d’entrevoir ne serait-ce que son existence. Avoir prise sur la réalité médiatique, en particulier celle véhiculée par la presse écrite, telle devient la mission de Rina Sherman au fur et à mesure de son enquête. Comprenez, la réalité médiatique dominante, celle que l’on propose traditionnellement en la glorifiant d’être la vraie, ou du moins la plus plausible.
Deux phénomènes médiatiques, traduisant chacun une vision de la réalité, ne peuvent cohabiter sur une même affaire. L’un doit nécessairement l’emporter sur l’autre, l’écraser, le réduire au silence, quoi qu’en soit le prix. À l’éthique et la déontologie journalistiques de jouer pleinement leurs rôles dans cette opposition, disons même : ce combat.
Bref, ce témoignage bouleversant d’une femme en quête de vérité devrait inciter chacun d’entre nous à réfléchir et s’investir dans une lutte dont l’objectif serait de mettre en lumière les entraves, pourtant quotidiennes, à ce qui constitue encore aujourd’hui, malgré sa faiblesse toute relative, l’arme la plus puissante dont dispose tout citoyen : la liberté d’expression.
Gageons donc, dans un premier temps, que cet ouvrage ne constitue qu’une étape d’un processus qui permettrait à terme de déboucher sur une autre réalité, celle de son auteur, visible cette fois aux yeux de tous, le temps au moins d’être prise en compte. En attendant, comme le disait Jean Rouch, « faisons comme si ce que l’on raconte est vrai. En faisant comme si, on est je crois beaucoup plus proche de la réalité »


David JOSSEROND
Le 13 mars 2007
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Marianne. Cliquer sur l'article pour l'agrandir.
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Le huitième mort de Tibhirine :
un livre contre la lâcheté et la désinformation

Le Huitième mort de Tibhirine, par Rina Sherman

Préface d'Antoine Sfeir TATAMIS, 2007



Ce livre est à la fois bouleversant et terrifiant. Il pointe du doigt l'effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie. Quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander "qui tue qui ?". Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l'affaire des moines de Thibirine — d'être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, ne leur a jamais pardonné.

Assassinat ou suicide ? C'est la question posée par ce livre. Il n'y répond pas. Chacun en tirera son intime conviction. Son principal intérêt réside moins dans la réponse à ce mystère que dans le récit presque romanesque de ce drame : la mort d'un homme, victime de la calomnie et d'un système où la rumeur tue la presse. Magnifiquement écrit et très émouvant, c'est un objet hybride : entre le journal d'une amante qui vient de perdre l'homme qu'elle aime et le journal d'enquête d'une anthropologue qui ne peut se résoudre au mystère de cette mort.
Il faut le lire pour se remémorer le degré de mauvaise foi de certains journalistes sur l'affaire algérienne. Encore aujourd'hui, le moindre journaliste indépendant travaillant sur l'intégrisme est victime de cabales, d'accusations d'"islamophobie", de rumeurs qui rappellent cette époque de façon glaçante. Une vraie leçon : d'amour et de déontologie.

Caroline Fourest

Le mardi 20 février 2007

© www.prochoix.org
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Actualité

Ce journaliste français qui a combattu le “Qui tue qui ?”

Révélations sur la mort de Didier Contant

Par Nissa Hammadi

Dans Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, Rina Sherman met à nu la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste Didier Contant, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.

Au mois de février de l’année 2004, Didier Contant fait une chute mortelle depuis le balcon d’une résidence de l’une de ses connaissances. Sa compagne la Sud-Africaine, Rina Sherman, livre dans le livre, Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, les conclusions de sa propre enquête sur ce drame qu’elle lie étroitement à la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.
Dans la préface du livre en question, Antoine Sfeir écrit : “Je ne sais pas si Didier Contant a été tué, est mort accidentellement ou tout simplement a été victime de circonstance non élucidée. En revanche, c’est que la mort d’un confrère, quelle qu’elle soit, mérite qu’on y porte un intérêt.”

Les tracasseries de Didier Contant commencent avec la publication dans Le Figaro Magazine de décembre 2003 d’une enquête dans laquelle il cite le témoignage du jardinier du monastère de Tibhirine enlevé en même temps que les moines, accusant le GIA d’être derrière ce drame. À Paris, certains de ses confrères laissent entendre que Contant travaille pour les services français et algériens, déconseillant aux rédactions toute publication du reste de son travail. Le Figaro renonce effectivement à publier la suite de ses reportages, sous prétexte qu’il s’était rendu en Algérie, sans ordre de mission du journal. Selon sa compagne, Contant vit cette campagne comme “une catastrophe professionnelle”. Il se sent, épié, traqué, calomnié jusqu’à perdre la capacité de gagner sa vie. Alors, il traque. Poussé par son envie de comprendre, de dévoiler la vérité, l’auteur du livre défonce des portes, multiplie les contacts avec tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par cette affaire, pour arriver à dévoiler certains oublis dans l’enquête diligentée par la police.
Caroline Fourest, dans Pro Croix du 20 février 2007, situe le problème et “pointe du doigt l’effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander qui tue qui ?” Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l’affaire des moines de Tibhirine — d’être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, “ne leur a jamais pardonné”. Pour sa part, le journal de la gauche républicaine pense que le livre est “un réquisitoire implacable contre la lâcheté et contre une certaine presse, dite libre qui cherche à museler des versions pourtant étayées mais qui dérangent”.

Si aujourd’hui, la presse française commente largement la parution du livre, à l’époque de la mort de Contant, seul un Jean-Francois Kahn de l’hebdomadaire Marianne ose poser la question de la responsabilité des confrères de Didier de Canal+, dans sa mort. Condamné une première fois en diffamation, il gagne le procès en appel.

Contant a été victime, estime sa compagne, d’un lobby qui voulait à tout prix blanchir l’islamisme. Ce qui fait dire à l’archevêque d’Alger Henri Tessier lors d’un hommage rendu à Blida au journaliste : “Il y a en France des simplifications parfois criminelles sur ce qui se passe en Algérie.”


Nissa Hammadi

Copyright (c) LIBERTE 2005
www.liberte-algerie.com
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Liberté
Edition du Dimanche 04 Mars 2007


Actualité

“La thèse du suicide arrangeait tout le monde”

Rina Sherman se confie à Liberté

Par Nissa Hammadi

Rina Sherman, cinéaste et anthropologue, était la compagne de Didier Contant, ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma dont la mort est liée, selon ses proches, aux pressions exercées sur lui, à la suite de son travail sur l’assassinat des sept moines de Tibhirine. Non convaincue par la thèse du suicide, Rina Sherman fait part dans son livre intitulé Le huitième mort de Tibhirine, édité aux Éditions Tatamis pour la France et Lazhrari-Labter Éditions et le Soir d’Algérie, de ses investigations sur cette affaire qui sont loin de rejoindre les conclusions de l’enquête de la police française.

Liberté : Vous venez d’écrire et de sortir le livre Le Huitième mort de Tibhirine, fruit de plus de deux ans d’enquête. Est-ce un exécutoire ou une recherche effrénée de la vérité ?
Rina Sherman :
Ni l’un ni l’autre. Le droit à la vérité revient à chacun comme un droit fondamental d’être humain. Je ne vois pas en quoi la recherche de la vérité peut servir d’exécutoire, ni pourquoi la détermination doit être perçue comme effrénée. Il n’y pas de deuil à faire face à une histoire pareille. On n’apprend pas à vivre avec, on ne s’habitue pas non plus, on vit avec, de fait, au jour le jour. Bien des personnes dans des cas similaires vous le diront. Ce n’est pas pour aller mieux que l’on cherche la vérité, c’est plutôt une question d’éthique ; qui suis-je face à moi-même ?


Pourquoi avez-vous eu besoin d’écrire ce livre ?
Pour répondre à l’éthique qui consiste à respecter l’identité et la dignité de l’autre, quel qu’il soit, respect qui entend la liberté d’expression et le droit à la justice de toute personne comme un des droits fondamentaux de l’être humain.


Ne craignez-vous pas qu’on prenne votre livre comme une sorte de règlement de compte ?
Il y a mort d’homme. La brigade n’a pas voulu enquêter en profondeur. La magistrature n’a pas voulu poursuivre l’enquête. Les journalistes n’ont pas voulu en parler. Les avocats ont fait corps avec leurs confrères. Faire sortir la vérité et demander que justice soit faite sont des exigences auxquelles tout être humain a droit.


Le livre se lit, selon les critiques, comme un roman policier, pourtant c’est de pure réalité qu’il s’agit. Pourquoi avoir emprunté ce style ?
Les évènements se sont déroulés tels que je les ai décrits ; ce ne fut pas un choix conscient. Après avoir vécu avec une famille Omuhimba pendant sept années dans le Nord-Ouest namibien, je me suis retrouvée du jour au lendemain plongée dans ce monde brutal, fait de lâcheté, de mensonges et de bouches cousues. C’est comme cela que j’ai vécu Paris à mon retour, comme un maquis dans lequel chacun avançait masqué.


Selon vous, Didier Contant a été victime d’une cabale politico-médiatique de la part du réseau “qui tue qui ?” Vous accusez particulièrement le journaliste de Canal+, Jean-Baptiste Rivoire, d’être le principal instigateur des calomnies déversées contre votre compagnon. Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est cette campagne qui a poussé Contant au suicide ?
J’ai suivi le déroulement des évènements dramatiques des derniers jours de la vie de Didier Contant. J’ai pu constater comment son état se dégradait de jour en jour, au fur et à mesure que la calomnie se propageait. Jusque-là, j’avais à faire à un homme, drôle, perspicace, tendre, plein de vie et de projets, un homme aimé et qui se savait aimé, un homme dans la force de l’âge, un homme fier et digne. Pourtant, il semblait avoir repris le dessus sur sa déprime, puisque la veille de sa mort, il a réussi malgré tout à faire publier la deuxième partie de son enquête.

Didier Contant a mené trois investigations sur l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine. Un premier article est paru dans le Pèlerin Magazine en début 2003, un deuxième article a paru dans le Figaro Magazine à la fin du mois de décembre 2003, soit quelques jours après la déposition de la plainte par Me Baudouin pour un membre de la famille d’un des moines et le jour même de son retour en Algérie pour poursuivre ses investigations.

Didier Contant avait vu Me Baudouin juste avant son départ et lui avait fait part de ses intentions, notamment de poursuivre ses investigations concernant des échos défavorables sur Tigha, un des témoins principaux de ladite plainte, recueillis sur le terrain à Blida. Quelques jours après son retour, la cabale a éclaté à Paris, mais ses mouvements sur place à Blida étaient connus de ceux qui répandaient des rumeurs sur lui depuis la mi-janvier quand il se trouvait encore en Algérie. Sa troisième enquête n’a jamais été publiée. J’ai repris quelques éléments de cette enquête dans le livre.


Avez-vous reçu une réaction de Rivoire après la sortie de votre livre ?
Aucune. J’ai l’impression qu’une partie de la presse continue de faire corps avec le silence autour de cette affaire.

Vous écrivez notamment que “c’est en mettant en évidence les failles de la thèse d’une prétendue responsabilité des autorités algériennes dans la mort des moines qu’il s’est retrouvé, malgré lui, au sein d’un conflit qui fractionne la gauche en France et ailleurs sur la question de l’intégrisme islamiste”.


Cette dualité est-elle toujours en vigueur aujourd’hui en France ?
J’ai pu la constater, cette dualité, dans des réactions à mon livre ; il faut donc croire qu’elle est toujours d’actualité. Je pense qu’elle existera tant que ces personnes auront besoin de victimes pour justifier un rapport à l’autre.


Vous semblez remettre en cause l’enquête de la police française qui, selon vous, n’a pas pris en compte de manière sérieuse les pressions exercées sur Didier Contant.
Vous évoquez même certains manques dans l’enquête policière et vous demandez que les services concernés se penchent à nouveau sur l’affaire. Avez-vous reçu une réponse à votre requête ?
Les policiers de la brigade ont conclu hâtivement à un suicide alors qu’il y avait des anomalies dans les différentes déclarations des personnes entendues au cours de l’investigation préliminaire. Ils ont choisi d’en faire abstraction. La thèse du suicide arrangeait en définitive tout le monde.

Par ailleurs, il y a une instruction en cours pour laquelle je suis partie civile. Je me dois de garder toute réserve et de laisser la justice suivre son cours.

N. H.

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Le Soir d'Algérie
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« Devant ce travail colossal, minutieux, on ne peut que s'incliner… »
Antoine Sfeir



4e de couverture


Victime d’une campagne calomnieuse sans précédent, en février 2004, le grand reporter Didier Contant fait une chute mortelle d’un immeuble parisien alors qu’il s’apprêtait à publier son enquête sur la mort des moines de Tibhirine en Algérie en 1996. Les résultats d’un long travail d’investigation sur le terrain à Blida par l’ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma confirment que les moines ont été enlevés et assassinés par le GIA (Groupe Islamiste Armé). Mais à Paris, des confrères affirment auprès des rédactions parisiennes que Didier Contant travaillait pour les services français et algériens dans le cadre de son enquête sur les moines, déconseillant toute publication de son investigation. Ces lobbies, composés de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations de droits de l’homme, brandissent le témoignage d’un sous-officier transfuge de l’armée algérienne, tendant à prouver l’implication de l’armée dans le rapt des moines. Didier Contant vivait cette campagne calomnieuse comme une catastrophe professionnelle ; dépossédé de son honneur, de sa dignité et de la capacité de gagner sa vie, il ne put l’accepter. Rina Sherman livre un témoignage saisissant sur la mort de son compagnon, Didier Contant. Pour rendre hommage à l’homme qu’elle a aimé, elle raconte avec brio leur grande histoire d’amour et la tragédie qu’ils ont vécues. Son récit se lit comme un roman, comme un thriller, dans lequel suspense, investigation et combat se confondent dans une réflexion essentielle : Il ne faut pas se taire afin que soit respecté l’un des droits fondamentaux de l’homme, celui de la liberté d’expression.
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Préface

Didier Contant est mort. On a dit que c’était un accident. On : pronom personnel indéfini, désigne ici d’une manière vague les autorités algériennes mais également françaises. Sa compagne, non convaincue, a voulu enquêter. Et elle l’a fait d’une manière farouche et déterminée. Je ne sais pas si Didier Contant a été tué, est mort accidentellement ou tout simplement été victime de circonstance non élucidée. En revanche, c’est que la mort d’un confrère quelle qu’elle soit mérite qu’on y porte un intérêt.
Cet intérêt n’a pas été porté sur le cas de Didier Contant, mais à la lecture de l’enquête de sa compagne, on ne peut avoir que des doutes sur cette mort fortuite qui arrangeait tout le monde en définitive. Devant ce travail colossal, minutieux, on ne peut que s’incliner. À la lecture des pages qui suivent, les autorités ne peuvent rester indifférentes et, pour avoir la conscience tranquille, devraient instruire cette mort. Pour cela il est vrai que du courage politique est nécessaire, non seulement en France mais également en Algérie : or ce courage est bien ce qui manque hélas des deux côtés de la Méditerranée. Le lecteur - lui comprendra que le mystère reste entier sur la mort de Didier Contant, le huitième mort de Tibhirine.
Antoine Sfeir
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Marianne. Cliquer ici pour agrandir l'article.
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Le huitième mort de Tibhirine : un livre contre la lâcheté et la désinformation

Le Huitième mort de Tibhirine, par Rina Sherman
Préface d'Antoine Sfeir TATAMIS, 2007








Ce livre est à la fois bouleversant et terrifiant. Il pointe du doigt l'effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie. Quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander "qui tue qui ?". Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l'affaire des moines de Thibirine — d'être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, ne leur a jamais pardonné. Assassinat ou suicide ? C'est la question posée par ce livre. Il n'y répond pas. Chacun en tirera son intime conviction. Son principal intérêt réside moins dans la réponse à ce mystère que dans le récit presque romanesque de ce drame : la mort d'un homme, victime de la calomnie et d'un système où la rumeur tue la presse. Magnifiquement écrit et très émouvant, c'est un objet hybride : entre le journal d'une amante qui vient de perdre l'homme qu'elle aime et le journal d'enquête d'une anthropologue qui ne peut se résoudre au mystère de cette mort. Il faut le lire pour se remémorer le degré de mauvaise foi de certains journalistes sur l'affaire algérienne. Encore aujourd'hui, le moindre journaliste indépendant travaillant sur l'intégrisme est victime de cabales, d'accusations d'"islamophobie", de rumeurs qui rappellent cette époque de façon glaçante. Une vraie leçon : d'amour et de déontologie.
Caroline Fourest
mardi 20 février 2007
© www.prochoix.org
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Liberté
Actualité
Ce journaliste français qui a combattu le “Qui tue qui ?”
Révélations sur la mort de Didier Contant

Par Nissa Hammadi


Dans
Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, Rina Sherman met à nu la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste Didier Contant, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.

Au mois de février de l’année 2004, Didier Contant fait une chute mortelle depuis le balcon d’une résidence de l’une de ses connaissances. Sa compagne la Sud-Africaine, Rina Sherman, livre dans le livre, Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, les conclusions de sa propre enquête sur ce drame qu’elle lie étroitement à la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.

Dans la préface du livre en question, Antoine Sfeir écrit : “Je ne sais pas si Didier Contant a été tué, est mort accidentellement ou tout simplement a été victime de circonstance non élucidée. En revanche, c’est que la mort d’un confrère, quelle qu’elle soit, mérite qu’on y porte un intérêt.”

Les tracasseries de Didier Contant commencent avec la publication dans Le Figaro Magazine de décembre 2003 d’une enquête dans laquelle il cite le témoignage du jardinier du monastère de Tibhirine enlevé en même temps que les moines, accusant le GIA d’être derrière ce drame. À Paris, certains de ses confrères laissent entendre que Contant travaille pour les services français et algériens, déconseillant aux rédactions toute publication du reste de son travail. Le Figaro renonce effectivement à publier la suite de ses reportages, sous prétexte qu’il s’était rendu en Algérie, sans ordre de mission du journal. Selon sa compagne, Contant vit cette campagne comme “une catastrophe professionnelle”. Il se sent, épié, traqué, calomnié jusqu’à perdre la capacité de gagner sa vie. Alors, il traque. Poussé par son envie de comprendre, de dévoiler la vérité, l’auteur du livre défonce des portes, multiplie les contacts avec tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par cette affaire, pour arriver à dévoiler certains oublis dans l’enquête diligentée par la police.

Caroline Fourest, dans Pro Croix du 20 février 2007, situe le problème et “pointe du doigt l’effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander qui tue qui ?” Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l’affaire des moines de Tibhirine — d’être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, “ne leur a jamais pardonné”. Pour sa part, le journal de la gauche républicaine pense que le livre est “un réquisitoire implacable contre la lâcheté et contre une certaine presse, dite libre qui cherche à museler des versions pourtant étayées mais qui dérangent”.

Si aujourd’hui, la presse française commente largement la parution du livre, à l’époque de la mort de Contant, seul un Jean-Francois Kahn de l’hebdomadaire Marianne ose poser la question de la responsabilité des confrères de Didier de Canal+, dans sa mort. Condamné une première fois en diffamation, il gagne le procès en appel.

Contant a été victime, estime sa compagne, d’un lobby qui voulait à tout prix blanchir l’islamisme. Ce qui fait dire à l’archevêque d’Alger Henri Tessier lors d’un hommage rendu à Blida au journaliste : “Il y a en France des simplifications parfois criminelles sur ce qui se passe en Algérie.”


Nissa Hammadi


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Liberté - Edition du Dimanche 04 Mars 2007 Actualité
“La thèse du suicide arrangeait tout le monde”
Rina Sherman se confie à Liberté

Par Nissa Hammadi


Rina Sherman, cinéaste et anthropologue, était la compagne de Didier Contant, ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma dont la mort est liée, selon ses proches, aux pressions exercées sur lui, à la suite de son travail sur l’assassinat des sept moines de Tibhirine. Non convaincue par la thèse du suicide, Rina Sherman fait part dans son livre intitulé Le huitième mort de Tibhirine, édité aux Éditions Tatamis pour la France et Lazhrari-Labter Éditions et le Soir d’Algérie, de ses investigations sur cette affaire qui sont loin de rejoindre les conclusions de l’enquête de la police française.


Liberté : Vous venez d’écrire et de sortir le livre Le Huitième mort de Tibhirine, fruit de plus de deux ans d’enquête. Est-ce un exécutoire ou une recherche effrénée de la vérité ?



Rina Sherman : Ni l’un ni l’autre. Le droit à la vérité revient à chacun comme un droit fondamental d’être humain. Je ne vois pas en quoi la recherche de la vérité peut servir d’exécutoire, ni pourquoi la détermination doit être perçue comme effrénée. Il n’y pas de deuil à faire face à une histoire pareille. On n’apprend pas à vivre avec, on ne s’habitue pas non plus, on vit avec, de fait, au jour le jour. Bien des personnes dans des cas similaires vous le diront. Ce n’est pas pour aller mieux que l’on cherche la vérité, c’est plutôt une question d’éthique ; qui suis-je face à moi-même ?


Pourquoi avez-vous eu besoin d’écrire ce livre ?


Pour répondre à l’éthique qui consiste à respecter l’identité et la dignité de l’autre, quel qu’il soit, respect qui entend la liberté d’expression et le droit à la justice de toute personne comme un des droits fondamentaux de l’être humain.


Ne craignez-vous pas qu’on prenne votre livre comme une sorte de règlement de compte ?


Il y a mort d’homme. La brigade n’a pas voulu enquêter en profondeur. La magistrature n’a pas voulu poursuivre l’enquête. Les journalistes n’ont pas voulu en parler. Les avocats ont fait corps avec leurs confrères. Faire sortir la vérité et demander que justice soit faite sont des exigences auxquelles tout être humain a droit.


Le livre se lit, selon les critiques, comme un roman policier, pourtant c’est de pure réalité qu’il s’agit. Pourquoi avoir emprunté ce style ?

Les évènements se sont déroulés tels que je les ai décrits ; ce ne fut pas un choix conscient. Après avoir vécu avec une famille Omuhimba pendant sept années dans le Nord-Ouest namibien, je me suis retrouvée du jour au lendemain plongée dans ce monde brutal, fait de lâcheté, de mensonges et de bouches cousues. C’est comme cela que j’ai vécu Paris à mon retour, comme un maquis dans lequel chacun avançait masqué.


Selon vous, Didier Contant a été victime d’une cabale politico-médiatique de la part du réseau “qui tue qui ?” Vous accusez particulièrement le journaliste de Canal+, Jean-Baptiste Rivoire, d’être le principal instigateur des calomnies déversées contre votre compagnon. Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est cette campagne qui a poussé Contant au suicide ?

J’ai suivi le déroulement des évènements dramatiques des derniers jours de la vie de Didier Contant. J’ai pu constater comment son état se dégradait de jour en jour, au fur et à mesure que la calomnie se propageait. Jusque-là, j’avais à faire à un homme, drôle, perspicace, tendre, plein de vie et de projets, un homme aimé et qui se savait aimé, un homme dans la force de l’âge, un homme fier et digne. Pourtant, il semblait avoir repris le dessus sur sa déprime, puisque la veille de sa mort, il a réussi malgré tout à faire publier la deuxième partie de son enquête.

Didier Contant a mené trois investigations sur l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine. Un premier article est paru dans le Pèlerin Magazine en début 2003, un deuxième article a paru dans le Figaro Magazine à la fin du mois de décembre 2003, soit quelques jours après la déposition de la plainte par Me Baudouin pour un membre de la famille d’un des moines et le jour même de son retour en Algérie pour poursuivre ses investigations.

Didier Contant avait vu Me Baudouin juste avant son départ et lui avait fait part de ses intentions, notamment de poursuivre ses investigations concernant des échos défavorables sur Tigha, un des témoins principaux de ladite plainte, recueillis sur le terrain à Blida. Quelques jours après son retour, la cabale a éclaté à Paris, mais ses mouvements sur place à Blida étaient connus de ceux qui répandaient des rumeurs sur lui depuis la mi-janvier quand il se trouvait encore en Algérie. Sa troisième enquête n’a jamais été publiée. J’ai repris quelques éléments de cette enquête dans le livre.


Avez-vous reçu une réaction de Rivoire après la sortie de votre livre ?

Aucune. J’ai l’impression qu’une partie de la presse continue de faire corps avec le silence autour de cette affaire.

Vous écrivez notamment que “c’est en mettant en évidence les failles de la thèse d’une prétendue responsabilité des autorités algériennes dans la mort des moines qu’il s’est retrouvé, malgré lui, au sein d’un conflit qui fractionne la gauche en France et ailleurs sur la question de l’intégrisme islamiste”.


Cette dualité est-elle toujours en vigueur aujourd’hui en France ?

J’ai pu la constater, cette dualité, dans des réactions à mon livre ; il faut donc croire qu’elle est toujours d’actualité. Je pense qu’elle existera tant que ces personnes auront besoin de victimes pour justifier un rapport à l’autre.


Vous semblez remettre en cause l’enquête de la police française qui, selon vous, n’a pas pris en compte de manière sérieuse les pressions exercées sur Didier Contant.

Vous évoquez même certains manques dans l’enquête policière et vous demandez que les services concernés se penchent à nouveau sur l’affaire. Avez-vous reçu une réponse à votre requête ?

Les policiers de la brigade ont conclu hâtivement à un suicide alors qu’il y avait des anomalies dans les différentes déclarations des personnes entendues au cours de l’investigation préliminaire. Ils ont choisi d’en faire abstraction. La thèse du suicide arrangeait en définitive tout le monde.

Par ailleurs, il y a une instruction en cours pour laquelle je suis partie civile. Je me dois de garder toute réserve et de laisser la justice suivre son cours.


N. H.


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