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Le huitième mort de Tibhirine : un livre contre la lâcheté et la désinformation
Le Huitième mort de Tibhirine, par Rina Sherman
Préface d'Antoine Sfeir TATAMIS, 2007
Ce livre est à la fois bouleversant et terrifiant. Il pointe du doigt l'effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie. Quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander "qui tue qui ?". Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l'affaire des moines de Thibirine — d'être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, ne leur a jamais pardonné.
Assassinat ou suicide ? C'est la question posée par ce livre. Il n'y répond pas. Chacun en tirera son intime conviction. Son principal intérêt réside moins dans la réponse à ce mystère que dans le récit presque romanesque de ce drame : la mort d'un homme, victime de la calomnie et d'un système où la rumeur tue la presse. Magnifiquement écrit et très émouvant, c'est un objet hybride : entre le journal d'une amante qui vient de perdre l'homme qu'elle aime et le journal d'enquête d'une anthropologue qui ne peut se résoudre au mystère de cette mort. Il faut le lire pour se remémorer le degré de mauvaise foi de certains journalistes sur l'affaire algérienne. Encore aujourd'hui, le moindre journaliste indépendant travaillant sur l'intégrisme est victime de cabales, d'accusations d'"islamophobie", de rumeurs qui rappellent cette époque de façon glaçante. Une vraie leçon : d'amour et de déontologie.Caroline Fourest
Le mardi 20 février 2007
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___________________________________________Actualité
Ce journaliste français qui a combattu le “Qui tue qui ?”
Révélations sur la mort de Didier Contant
Par Nissa Hammadi
Dans Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, Rina Sherman met à nu la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste Didier Contant, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.
Au mois de février de l’année 2004, Didier Contant fait une chute mortelle depuis le balcon d’une résidence de l’une de ses connaissances. Sa compagne la Sud-Africaine, Rina Sherman, livre dans le livre, Le huitième mort de Tibhirine qui vient de paraître, les conclusions de sa propre enquête sur ce drame qu’elle lie étroitement à la campagne de dénigrement dont a été victime le journaliste, par un groupe qu’elle identifie comme étant composé de journalistes, d’éditeurs, d’avocats et d’organisations des droits de l’Homme.
Dans la préface du livre en question, Antoine Sfeir écrit : “Je ne sais pas si Didier Contant a été tué, est mort accidentellement ou tout simplement a été victime de circonstance non élucidée. En revanche, c’est que la mort d’un confrère, quelle qu’elle soit, mérite qu’on y porte un intérêt.”
Les tracasseries de Didier Contant commencent avec la publication dans Le Figaro Magazine de décembre 2003 d’une enquête dans laquelle il cite le témoignage du jardinier du monastère de Tibhirine enlevé en même temps que les moines, accusant le GIA d’être derrière ce drame. À Paris, certains de ses confrères laissent entendre que Contant travaille pour les services français et algériens, déconseillant aux rédactions toute publication du reste de son travail. Le Figaro renonce effectivement à publier la suite de ses reportages, sous prétexte qu’il s’était rendu en Algérie, sans ordre de mission du journal. Selon sa compagne, Contant vit cette campagne comme “une catastrophe professionnelle”. Il se sent, épié, traqué, calomnié jusqu’à perdre la capacité de gagner sa vie. Alors, il traque. Poussé par son envie de comprendre, de dévoiler la vérité, l’auteur du livre défonce des portes, multiplie les contacts avec tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par cette affaire, pour arriver à dévoiler certains oublis dans l’enquête diligentée par la police.
Caroline Fourest, dans Pro Croix du 20 février 2007, situe le problème et “pointe du doigt l’effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander qui tue qui ?” Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l’affaire des moines de Tibhirine — d’être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, “ne leur a jamais pardonné”. Pour sa part, le journal de la gauche républicaine pense que le livre est “un réquisitoire implacable contre la lâcheté et contre une certaine presse, dite libre qui cherche à museler des versions pourtant étayées mais qui dérangent”.
Si aujourd’hui, la presse française commente largement la parution du livre, à l’époque de la mort de Contant, seul un Jean-Francois Kahn de l’hebdomadaire Marianne ose poser la question de la responsabilité des confrères de Didier de Canal+, dans sa mort. Condamné une première fois en diffamation, il gagne le procès en appel.
Contant a été victime, estime sa compagne, d’un lobby qui voulait à tout prix blanchir l’islamisme. Ce qui fait dire à l’archevêque d’Alger Henri Tessier lors d’un hommage rendu à Blida au journaliste : “Il y a en France des simplifications parfois criminelles sur ce qui se passe en Algérie.”
Nissa Hammadi
Copyright (c) LIBERTE 2005
www.liberte-algerie.com_______________________________Liberté Edition du Dimanche 04 Mars 2007
Actualité
“La thèse du suicide arrangeait tout le monde”
Rina Sherman se confie à Liberté
Par Nissa Hammadi
Rina Sherman, cinéaste et anthropologue, était la compagne de Didier Contant, ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma dont la mort est liée, selon ses proches, aux pressions exercées sur lui, à la suite de son travail sur l’assassinat des sept moines de Tibhirine. Non convaincue par la thèse du suicide, Rina Sherman fait part dans son livre intitulé Le huitième mort de Tibhirine, édité aux Éditions Tatamis pour la France et Lazhrari-Labter Éditions et le Soir d’Algérie, de ses investigations sur cette affaire qui sont loin de rejoindre les conclusions de l’enquête de la police française.
Liberté : Vous venez d’écrire et de sortir le livre Le Huitième mort de Tibhirine, fruit de plus de deux ans d’enquête. Est-ce un exécutoire ou une recherche effrénée de la vérité ?
Rina Sherman : Ni l’un ni l’autre. Le droit à la vérité revient à chacun comme un droit fondamental d’être humain. Je ne vois pas en quoi la recherche de la vérité peut servir d’exécutoire, ni pourquoi la détermination doit être perçue comme effrénée. Il n’y pas de deuil à faire face à une histoire pareille. On n’apprend pas à vivre avec, on ne s’habitue pas non plus, on vit avec, de fait, au jour le jour. Bien des personnes dans des cas similaires vous le diront. Ce n’est pas pour aller mieux que l’on cherche la vérité, c’est plutôt une question d’éthique ; qui suis-je face à moi-même ?
Pourquoi avez-vous eu besoin d’écrire ce livre ?
Pour répondre à l’éthique qui consiste à respecter l’identité et la dignité de l’autre, quel qu’il soit, respect qui entend la liberté d’expression et le droit à la justice de toute personne comme un des droits fondamentaux de l’être humain.
Ne craignez-vous pas qu’on prenne votre livre comme une sorte de règlement de compte ?
Il y a mort d’homme. La brigade n’a pas voulu enquêter en profondeur. La magistrature n’a pas voulu poursuivre l’enquête. Les journalistes n’ont pas voulu en parler. Les avocats ont fait corps avec leurs confrères. Faire sortir la vérité et demander que justice soit faite sont des exigences auxquelles tout être humain a droit.
Le livre se lit, selon les critiques, comme un roman policier, pourtant c’est de pure réalité qu’il s’agit. Pourquoi avoir emprunté ce style ?
Les évènements se sont déroulés tels que je les ai décrits ; ce ne fut pas un choix conscient. Après avoir vécu avec une famille Omuhimba pendant sept années dans le Nord-Ouest namibien, je me suis retrouvée du jour au lendemain plongée dans ce monde brutal, fait de lâcheté, de mensonges et de bouches cousues. C’est comme cela que j’ai vécu Paris à mon retour, comme un maquis dans lequel chacun avançait masqué.
Selon vous, Didier Contant a été victime d’une cabale politico-médiatique de la part du réseau “qui tue qui ?” Vous accusez particulièrement le journaliste de Canal+, Jean-Baptiste Rivoire, d’être le principal instigateur des calomnies déversées contre votre compagnon. Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est cette campagne qui a poussé Contant au suicide ?
J’ai suivi le déroulement des évènements dramatiques des derniers jours de la vie de Didier Contant. J’ai pu constater comment son état se dégradait de jour en jour, au fur et à mesure que la calomnie se propageait. Jusque-là, j’avais à faire à un homme, drôle, perspicace, tendre, plein de vie et de projets, un homme aimé et qui se savait aimé, un homme dans la force de l’âge, un homme fier et digne. Pourtant, il semblait avoir repris le dessus sur sa déprime, puisque la veille de sa mort, il a réussi malgré tout à faire publier la deuxième partie de son enquête.
Didier Contant a mené trois investigations sur l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine. Un premier article est paru dans le Pèlerin Magazine en début 2003, un deuxième article a paru dans le Figaro Magazine à la fin du mois de décembre 2003, soit quelques jours après la déposition de la plainte par Me Baudouin pour un membre de la famille d’un des moines et le jour même de son retour en Algérie pour poursuivre ses investigations.
Didier Contant avait vu Me Baudouin juste avant son départ et lui avait fait part de ses intentions, notamment de poursuivre ses investigations concernant des échos défavorables sur Tigha, un des témoins principaux de ladite plainte, recueillis sur le terrain à Blida. Quelques jours après son retour, la cabale a éclaté à Paris, mais ses mouvements sur place à Blida étaient connus de ceux qui répandaient des rumeurs sur lui depuis la mi-janvier quand il se trouvait encore en Algérie. Sa troisième enquête n’a jamais été publiée. J’ai repris quelques éléments de cette enquête dans le livre.
Avez-vous reçu une réaction de Rivoire après la sortie de votre livre ?
Aucune. J’ai l’impression qu’une partie de la presse continue de faire corps avec le silence autour de cette affaire.
Vous écrivez notamment que “c’est en mettant en évidence les failles de la thèse d’une prétendue responsabilité des autorités algériennes dans la mort des moines qu’il s’est retrouvé, malgré lui, au sein d’un conflit qui fractionne la gauche en France et ailleurs sur la question de l’intégrisme islamiste”.
Cette dualité est-elle toujours en vigueur aujourd’hui en France ?
J’ai pu la constater, cette dualité, dans des réactions à mon livre ; il faut donc croire qu’elle est toujours d’actualité. Je pense qu’elle existera tant que ces personnes auront besoin de victimes pour justifier un rapport à l’autre.
Vous semblez remettre en cause l’enquête de la police française qui, selon vous, n’a pas pris en compte de manière sérieuse les pressions exercées sur Didier Contant.
Vous évoquez même certains manques dans l’enquête policière et vous demandez que les services concernés se penchent à nouveau sur l’affaire. Avez-vous reçu une réponse à votre requête ?
Les policiers de la brigade ont conclu hâtivement à un suicide alors qu’il y avait des anomalies dans les différentes déclarations des personnes entendues au cours de l’investigation préliminaire. Ils ont choisi d’en faire abstraction. La thèse du suicide arrangeait en définitive tout le monde.
Par ailleurs, il y a une instruction en cours pour laquelle je suis partie civile. Je me dois de garder toute réserve et de laisser la justice suivre son cours.
N. H.
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____________________________Le Soir d'Algérie
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