Le Huitième mort de Tibhirine, par Rina Sherman

Préface d'Antoine Sfeir TATAMIS, 2007



Ce livre est à la fois bouleversant et terrifiant. Il pointe du doigt l'effet mortel des campagnes de désinformation ayant eu cours durant la période des attentats en Algérie. Quand les intégristes assassinaient et que des journalistes français préféraient se demander "qui tue qui ?". Ceux-là accusaient le moindre journaliste indépendant enquêtant sur ces réseaux intégristes — comme Didier Contant sur l'affaire des moines de Thibirine — d'être vendu aux services secrets algériens. Il en est mort. Et Rina Shermann, sa compagne, ne leur a jamais pardonné.

Assassinat ou suicide ? C'est la question posée par ce livre. Il n'y répond pas. Chacun en tirera son intime conviction. Son principal intérêt réside moins dans la réponse à ce mystère que dans le récit presque romanesque de ce drame : la mort d'un homme, victime de la calomnie et d'un système où la rumeur tue la presse. Magnifiquement écrit et très émouvant, c'est un objet hybride : entre le journal d'une amante qui vient de perdre l'homme qu'elle aime et le journal d'enquête d'une anthropologue qui ne peut se résoudre au mystère de cette mort.
Il faut le lire pour se remémorer le degré de mauvaise foi de certains journalistes sur l'affaire algérienne. Encore aujourd'hui, le moindre journaliste indépendant travaillant sur l'intégrisme est victime de cabales, d'accusations d'"islamophobie", de rumeurs qui rappellent cette époque de façon glaçante. Une vraie leçon : d'amour et de déontologie.

Caroline Fourest